Page:Monselet - Les Aveux d’un pamphlétaire, 1854.djvu/79

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S’il m’était impossible, avec un écu, de me procurer toutes les choses indiquées dans l’ordonnance, au moins m’était-il possible d’en avoir une partie, le bouillon, par exemple, et la volaille. Fallait-il risquer le tout pour le tout ? En avais-je le droit ?

Denise comprit mon indécision, car elle me dit en m’encourageant du regard :

— Allez là-bas ; vous savez que vous avez du bonheur.

— Te laisser ? répliquai-je en la regardant avec anxiété.

— Je vais mieux… et puis, j’éprouve… comme un grand besoin de sommeil.

Si je l’eusse examinée plus attentivement, j’aurais été épouvanté de l’expression de ses traits ; je me serais aperçu que la vie commençait à abandonner ses lèvres ; que ses prunelles, offusquées par un rien et continuellement tremblotantes, n’avaient plus que le reflet incertain des lampes qui se meurent ; que ses chers petits doigts, abandonnés sur sa robe de couleur foncée, s’étaient amaigris d’une manière effrayante et offraient la blancheur triste de l’ivoire ; —