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petits mémoires littéraires

sa villa d’Antibes, au bord de la Méditerranée. Marc Fournier avait demandé d’habiter l’étage le plus élevé, faveur qui lui fut accordée avec empressement. Mais il avait compté sans les pluies d’hiver, qui, même dans ce pays privilégié, savent se frayer des passages à travers tous les toits.

Un matin, après le déjeuner, il se décida à dire à son hôte :

— Vous savez, il pleut dans ma chambre.

— Vous badinez ? fît d’Ennery.

— Il y pleut en cinq endroits.

— Bah !

— Montez avec moi, vous allez vous en convaincre par vos yeux.

— Montons.

D’Ennery dut se rendre a l’évidence : il constata cinq places marquées par la pluie.

— Eh bien ? dit Marc Fournier.

— C’est vrai, murmura d’Ennery.

— Vous allez me changer d’étage ?

D’Ennery ne répondit pas ; il réfléchissait.

Au dîner, Marc Fournier, inquiet, revint à la charge.

— Remontez chez vous, dit d’Ennery avec son imperturbable sourire : j’ai arrangé cela !

Justement, ce soir-là, il pleuvait plus fort que les autres soirs. Fortement intrigué, Marc Fournier regagna sa chambre, de meilleure heure que de coutume. Il était curieux de voir comment d’Ennery avait arrangé cela.

Elle était bien simple, la façon dont s’y était pris le célèbre arrangeur.

Il avait disposé un pot de chambre à chaque place où la pluie tombait.

En tout cinq pots de chambre.