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petits mémoires littéraires

Je pense à Prévost-Paradol, encore un normalien, jeune, beau, brillant, mondain, ambitieux, plein d’avenir.

Je pense à Bourg Saint-Edme…

Ah ! celui-là, j’y pense peut-être plus qu’aux autres, parce que son suicide a été environné de circonstances exceptionnellement douloureuses.

Peu de personnes s’en souviennent aujourd’hui.

Le nom même de Bourg Saint-Edme est inconnu de la génération actuelle ; l’homme avait cependant joué un rôle dans ses vertes années ; il avait été commissaire des guerres, puis secrétaire du maréchal Berthier, puis… homme de lettres. Ce fut ce qui le perdit.

Homme de lettres sans vocation impérieuse ; homme de lettres pour faire des entreprises de librairie. Il a attaché son nom, avec celui de M. Germain Sarrut, à une grosse affaire en plusieurs volumes, la Biographie des hommes du jour, qui fit du bruit et suscita un grand nombre de réclamations. Ce succès épuisé, Bourg Saint-Edme ne trouva pas à le renouveler ; les journaux étaient moins nombreux qu’à présent ; ses ressources s’épuisèrent ; la famille était venue, et l’âge, qui vient avec la famille, le laissa face à face avec le besoin.

Il lutta, mais il n’avait pas un de ces talents qui s’imposent. Un jour de mars 1852, on apprit par les journaux que M. Bourg Saint-Edme (Edme-Théodore), membre de la Société des gens de lettres, venait de mettre fin à ses jours en se pendant.

Il s’était familiarisé depuis longtemps avec la pensée du suicide. Sur sa table, on trouva une sorte de journal où il avait consigné ses dernières impressions.