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petits mémoires littéraires

tout, Prévost-Paradol s’était laissé gagner par la tristesse, ou pour mieux dire par l’inquiétude.

Je l’ai vu glisser des salons dans les coulisses des petits théâtres, venir s’asseoir sur une banquette du foyer des Variétés ou des Bouffes-Parisiens, conter non-chalamment fleurette à la première venue, en demandant, comme dans les Marrons du feu :

Est-ce la Monauteuil, ce soir, qui fait la reine ?

La vérité est que Prévost-Paradol était en train de tourner insensiblement à l’Alfred de Musset, — un Alfred de Musset encore un peu raide, un peu gauche, — lorsque le funeste caprice lui passa par la tête de traiter avec le gouvernement et d’en accepter une ambassade.

On sait le reste : à peine avait-il foulé le sol américain qu’il se faisait sauter la cervelle.

Le malheureux laissait un enfant en bas âge.

On est en droit de se montrer sévère pour Prévost-Paradol.

Et dire que, quelques années auparavant, il avait composé un mémoire intitulé : — Du Rôle de la famille dans l’éducation, mémoire couronné par l’Académie des sciences morales et politiques !

Du Rôle de la famille !

Devait-il donc oublier ce rôle si vite en un jour d’effrayant délire ?

Prévost-Paradol a été deux fois coupable, comme homme et comme père. On peut dire que c’est lui qui a tué son enfant.