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petits mémoires littéraires

de l’ambassade d’Autriche, dans tous les ministères. — Allons à l’Estaminet belge.

À l’Estaminet belge, il me présenta à l’ami dont il m’avait parlé.

C’était un jeune homme d’un aspect un peu sévère, aux yeux enfoncés et brillant d’un feu sombre, l’air d’un officier en bourgeois.

C’était Théodore Barrière.

Il était employé au ministère de la guerre, dans le département des cartes ; mais il avait déjà fait représenter plusieurs vaudevilles, ce qui lui donnait un certain prestige parmi nous.

La connaissance faite, nous nous acheminâmes tous les trois vers le logis de Murger, rue Mazarine, dans un hôtel fort triste, « tenu par Hautemule, » comme disait l’enseigne. M. P. J. Proudhon, à cette époque, occupait dans le même hôtel une chambre au-dessus de celle de Henry Murger.

Une fois arrivés, Murger alla mettre le verrou, et Barrière, avec un horrible sang-froid, tira de dessous sa redingote cinq cahiers à couverture bleue, représentant cinq actes d’une comédie, qu’il déposa sur une table.

Je devins pâle.

J’étais tombé dans une lecture.

Il est vrai que cette comédie avait pour titre : la Vie de Bohême.

Je crois inutile de dire l’émotion dont je fus insensiblement gagné en écoutant cette œuvre folle d’esprit et navrante d’amour.

Le dénoûment n’était pas alors arrêté.

Murger, avec sa douceur accoutumée, inclinait vers