Aller au contenu

Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
petits mémoires littéraires

moins une insurrection qu’une formalité. Les visages n’avaient rien de farouche. « Entrez donc ! » dirent ceux qui gardaient le pont. Une fois entrée, l’insurrection se comporta comme en 1848, comme toujours ; il n’y a pas deux manières d’envahir une Assemblée. L’insurrection s’installa sur les banquettes demeurées vides, s’empara de la tribune, monta au fauteuil du président. Je ne répondrais pas que M. Schneider n’ait été reconduit avec plus de renfoncements qu’il n’était nécessaire. Ce sont les petits inconvénients du pouvoir.

Après avoir fait maison nette et proclamé la République, l’insurrection proposa d’aller à l’hôtel de ville, selon la tradition révolutionnaire.

Au sortir du Corps législatif, l’enthousiasme commença seulement à se répandre dans Paris. Ce fut alors comme une traînée de poudre. Éclipse subite et totale des sergents de ville. La République nouvelle n’avait pas coûté un coup de fusil, elle n’avait pas fait tirer un sabre du fourreau. Les pêcheurs à la ligne du quai d’Orsay ne s’étaient aperçus de rien. Le cri de : Vive la République ! fut bientôt général. Vive la République ! criaient les gardes nationaux. Et les familles sorties pour la promenade de s’étonner.

Tandis que les futurs membres du nouveau gouvernement provisoire se dirigeaient vers l’hôtel de ville, hommes anciens et hommes nouveaux, tous dévoués à une idée commune, le général Trochu prenait le chemin du palais des Tuileries, à cheval, et fendant lentement — très lentement — la foule qui l’acclamait. Pourquoi l’acclamait-elle ? Je serais assez embarrassé de le dire.

J’étais sur la place du Carrousel lorsque le général Trochu y arriva, et fort près de lui.

Je cherchais à deviner les émotions qui devaient