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petits mémoires littéraires

Un jour que, traversant la place du Cairrousel, je venais de me heurter contre les anneaux du serpent en fer d’un arroseur, je me trouvai nez à nez (et quel nez !) avec Cavalier.

— Te voilà, Le Nôtre ! lui dis-je dans un cordial bonjour.

— Eh bien ! prononça-t-il avec une large expression d’orgueil, qu’est-ce que tu penses de cela ?

— Splendide ! Je suis éclaboussé de la tête aux pieds.

— On t’aura pris pour un oranger, me dit-il en riant de son rire de mascaron.

Il n’était pas d’ailleurs, comme beaucoup d’autres, sans inquiétude pour le résultat de cette période de résistance. Il voyait le ciel sombre. Dans la poignée de mains sur laquelle nous nous séparâmes, il y eut cette pression prolongée qui trahit les inquiétudes et les cruautés de l’avenir.

Je ne le revis plus.


Qui voudra le croire ?

Eugène Razzoua, qu’une certaine légende représente constamment environné de nuages de tabac ou traînant un sabre humide de sang, Eugène Razzoua a été pendant quelque temps un des rédacteurs ambrés et musqués de la Vie parisienne.

Invraisemblable, — mais absolument exact.

Razzoua a été un écrivain de high life ; il a mis des manchettes de dentelle à sa plume, il a sable sa copie avec du tabac d’Espagne. Comme un autre, il a joué du Gontran et du Guy ; on l’a surpris commençant un