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petits mémoires littéraires

chapeau à ailes retroussées, engouffré dans une pelisse russe, cadeau d’un prince quelconque, — à ce qu’il répétait. Tous les deux étaient décoratifs, et celui qui leur aurait dit qu’ils n’étaient pas distingués les aurait plongés dans le plus complet abasourdissement.

Pauvre Gaston ? C’est le même homme que j’ai revu, à Nice, au café de la Maison-Dorée. Quelle décadence ! Il se traînait, mais il parlait toujours et récitait toujours ses vers. Il a dû passer avec un hémistiche sur les lèvres.

On a de lui plusieurs volumes, en prose heureusement ; les meilleurs sont les Tricheurs et les Marchands de miracles.

Le plus beau jour de sa vie fut celui où il réussit à être nommé membre de la Société des gens de lettres. Ce jour-là, il crut avoir tué l’escamoteur.


Heureux Meissonier ! Doit-il être assez content ! L’Empire l’a comblé d’honneurs et de dignités, la République l’en accable. Comme il doit l’aimer, cette bonne République ! Je suis certain qu’il est prêt à verser pour elle toutes les gouttes de son sang et à lui consacrer toutes les couleurs de sa palette. Car c’est une belle âme, ce Meissonier.

Si petit de taille et si grand de génie ! Et puis, une si belle barbe, une barbe qui lui tombe jusqu’à la ceinture et qui rappelle les anciens sapeurs de l’ancienne garde nationale. Le fantastique Hoffmann, qui dessinait quelque peu, — car il était l’Henri Monnier de son temps, — aurait pris plaisir à tracer un croquis du peintre de la bataille de Solférino.