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petits mémoires littéraires


Tout vieillit ; sur leurs fronls les rides s’étendaient…
L’amitié modéra leurs feux sans les détruire…

Madame Drouet avait été fabuleusement jolie ; elle était devenue souverainement belle. Elle avait été comédienne au temps glorieux du romantisme, et les journalistes d’alors ont gardé un souvenir ébloui de cette princesse Negroni, qui traversait le dernier tableau de Lucrèce Borgia. La princesse Negroni, c’était Juliette Drouet.

Une publication, très rare à présent, intitulée : les Belles Femmes de Paris, ne tarit pas d’éloges sur le rôle et sur l’actrice.

« C’était une vraie princesse italienne au sourire gracieux et mortel, aux yeux pleins d’enivrements perfides ; visage rose et frais qui vient de déposer tout à l’heure le masque de verre, de l’empoisonneuse, — si charmante d’ailleurs qu’on oublie de plaindre les infortunés convives et qu’on les trouve heureux de mourir après lui avoir baisé la main.

» Son costume était d’un caractère et d’un goût ravissants ; une robe de damas rose à ramages d’argent, des plumes et des perles dans les cheveux, tout cela d’un tour capricieux et romanesque, comme un dessin de Tempeste ou de Della Bella. On aurait dit une couleuvre debout sur sa queue, tant elle avait une démarche onduleuse, souple et serpentine. À travers toutes ses grâces, comme elle savait jeter quoique chose de venimeux ! Avec quelle prestesse inquiétante et railleuse elle se dérobait aux adorations prosternées des beaux seigneurs vénitiens !

» Nous avons rarement vu un type dessiné d’une manière si nette et si franche ; et, quoique mademoi-