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selle Juliette ait une plus grande réputation comme jolie femme que comme actrice, nous ne savons pas trop quelle autre comédienne aurait découpé aussi rapidement une silhouette étincelante sur le fond sombre de l’action. »

Pour le public paresseux, — et pour la presse, presque aussi paresseuse que le public, — Juliette Drouet n’a jamais été que la princesse Negroni. Elle avait eu cependant des créations plus importantes, à rOdéon dans le Moine, et à la Porte-Saint-Martin dans Shylock. Victor Hugo lui-même, après Lucrèce Borgia, lui confia un des deux rôles de Marie Tudor ; le premier était celui de mademoiselle Georges. Malheureusement mademoiselle Juliette tomba malade le lendemain de la première représentation, et de ses mains le rôle de Jeanne passa à celles de mademoiselle Ida, qui devait devenir bientôt madame Alexandre Dumas.

Une liaison, sur laquelle nous n’avons pas à nous expliquer, s’en était suivie entre Victor Hugo et mademoiselle Juliette, qui renonça définitivement au théâtre. Cette liaison ne devait jamais être interrompue ; ajoutons qu’à force de distinction et de tact mademoiselle Juliette résolut le difficile problème de la faire accepter. La matière est délicate, je ne m’y appesantirai pas. Je ne veux que reposer mes regards sur le tableau de ces deux vieillesses attendries, tableau qui appartient désormais à l’histoire.

Il y a une dizaine d’années, madame Drouet, qui a toujours été chargée, dans la maison du maître, du département des invitations, m’écrivit pour m’engager à dîner, avenue d’Eylau. Je lus un vendredi là où il y avait un jeudi. De sorte que, ce vendredi, je son-