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petits mémoires littéraires

nais gaillardemeent à la porte du numéro 50. C’était en été.

— Ah ! Monsieur, s’écria la bonne en m’ouvrant, on vous a attendu hier une demi-heure, et votre couvert est resté inoccupé pendant tout le dîner !

— Alors, c’était donc hier ?… fis-je, abasourdi.

— Oui, Monsieur.

— Et aujourd’hui ?

— Aujourd’hui, il n’y a personne d’invité.

— Et M. Hugo ? et Madame Drouet ? demandai-je.

— Tous deux sont sortis en voiture pour leur promenade accoutumée ; mais ils ne peuvent tarder à rentrer… et, si vous voulez les attendre…

— Oh ! non, murmurai-je d’un air déconfit et additionné de discrétion.

— Que faudra-t-il leur dire ? fit la bonne.

— Rien, répondis-je.

— Rien ?

— Je me réserve de leur écrire pour leur présenter mes humbles excuses… bien humbles, je l’atteste !

— Ah ! Monsieur, il y avait une crème au caramel qu’on avait faite exprès pour vous !

Et, comme je gagnais la porte avec un soupir, la bonne s’écria tout à coup en frappant des mains :

— Ah ! Monsieur !

— Quoi ?

— Voici Monsieur et Madame qui reviennent !

Ils revenaient, en effet, et s’arrêtaient devant moi qui étais resté immobile, médusé.

— Ah ! oui, vous êtes un joli monsieur ! me dit madame Drouet.

Victor Hugo riait de son bon rire, tandis que je balbutiais :

— Une erreur de jour… je croyais… j’avais cru lire…