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petits mémoires littéraires

le confrère de M. Brifaut, de M. Jay, de M. Viennet, de M. Dupaty, de M. Campenon, de M. Duval-Pineu ? N’était-on pas fixé depuis longtemps sur la valeur de ce nom d’immortel ? Ne savait-on pas à quoi s’en tenir sur le prestige considérablement diminué de la docte compagnie ? Quel bénéfice retirerait-il à se mettre à la queue de trente-neuf individus, dont il n’estimait littérairement que cinq ou six ? N’était-il pas plus en vue dans son isolement ? Toute son œuvre n’était-elle pas une protestation contre les doctrines académiques ? Qu’avait-il de commun avec de telles gens ? Pourquoi ceci s’inquiéterait-il de cela ? Est-ce qu’il ne comprenait pas que c’était se diminuer que vouloir passer sous cette porte ? N’était-il pas plus haut en dehors qu’en dedans ? Et puis, — autre embarras ! — comment allait-il s’y prendre pour solliciter tous les suffrages indispensables ? Comment se présenterait-il sans rire chez les uns, sans rougir chez les autres ?

À côté de cette voix qui parlait ainsi à M. Victor Hugo, il y avait une seconde voix qui lui tenait un langage tout différent.

Voici ce que lui disait cette seconde voix :

— Être de l’Académie ; et pourquoi pas ? L’Académie est un principe, avant tout. Qu’importent les hommes ? ne voyons que l’idée. L’idée est belle, l’idée est glorieuse ; elle consacre la suprématie de l’intelligence. Pourquoi ferait-il le dégoûté plus que Corneille, plus que Racine, plus que Bossuet, plus que Voltaire ? Comment ! il aurait voulu du combat et il ne voudrait pas de la victoire ? Comment ! il aurait fait pénétrer son œuvre en tous lieux, excepté dans cette forteresse ? Allons donc ! Pas de demi-triomphe. Il faut qu’il plante son drapeau dans les endroits les plus reculés et les plus inaccessibles. S’il y a de l’ombre sous cette cou-