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petits mémoires littéraires

pole, sa mission n’est-clle pas d’y porter la lumière ? Ce serait maladresse et duperie que d’abandonner le moindre coin de terrain à ses adversaires, à plus forte raison un terrain de l’importance de l’Académie !

Telles étaient les pensées qui grondaient et se disputaient sous le crâne de M. Victor Hugo vers 1840.

Le résultat de cette méditation fut que l’auteur des Orientales, de Notre-Dame de Paris, du Dernier Jour d’un condamné, du Roi s’amuse, des Feuilles d’automne, de Marion de Lorme, de Lucrèce Borgia, des Chants du crépuscule, des Voix intérieures, etc. etc., se présenta à l’Académie française.

Sa candidature échoua une première fois contre celle de… M. Flourens. Il se représenta plusieurs fois encore et fut élu. Les purs du romantisme, les féroces de la première représentation d’Hernani, ceux qui avaient voué les genoux à la guillotine, se couvrirent de cendres ; une larme de rage tomba de l’œil de Théophile Gautier sur sa redingote à brandebourgs ; Petrus Borel rabattit son sombrero sur son front désespéré. Toute la nuit, des lamentations se tirent entendre sur la place Royale, devant la maison habitée par le poète.

Sa réception en séance publique eut lieu le 3 juin 1841. « Cette séance, disait le Moniteur, occupera une place à part dans les fastes littéraires de l’Académie française ; toutes les classes de la société y étaient représentées : la famille royale, des illustrations politiques, des ambassadeurs… Une autre circonstance mérite de fixer l’attention : c’est que le corps illustre qui, depuis deux cents ans, préside aux destinées de la littérature française, a fait plus que reconnaître et récompenser le talent d’un homme en l’appelant dans son sein ; l’Académie a proclamé, en outre, qu’elle