Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
petits mémoires littéraires

On l’a même critiqué honnêtement et loyalement.

Rien ne lui a manqué.

Qu’est-il résulté de tout ce bruit ? Un nom universel et une œuvre imposée.

Victor Hugo, en effet, a doté la langue française d’expressions, de formules, qui se retrouvent à chaque instant dans la conversation usuelle et qui sont employés involontairement même par ses adversaires.

    exemple, que l’enfant bicéphale, Ritta-Christina ; mais, la curiosité satisfaite, ces informes productions d’une imagination déréglée tomberont dans un insultant oubli ; les maîtres de la scène ue seront point détrônés.
    » Il n’y a de nouveau dans Hernani qu’un langage qui n’a pas de nom… L’idée première de ce drame appartient à Prior, auteur d’un charmant poème intitulé : Henry and Emma. Le sentiment passionné d’Emma pour un inconnu n’a rien qui blesse les convenances et paraisse invraisemblable. Le poète anglais a pris soin d’en marquer la naissance et les progrès ; le lecteur est préparé à l’énergique résolution que prend la jeune fille d’unir sa destinée à celle d’un homme rejeté par la société et en guerre avec elle. Après un dialogue admirable de naturel et de poésie, Henry, touché de tant de sacrifices et de dévouement, se fait connaître pour le noble héritier du comte Edgard ; alors, la voix du poète s’élève, et le souvenir d’un illustre et puissant guerrier lui inspire un chant de gloire et de patriotisme. »
    Je m’imagine aisément la confusion de M. Victor Hugo lorsqu’il a vu son plagiat découvert. S’être laissé acclamer comme un novateur, lorsqu’on n’est que le détrousseur de Prior ! Dire effrontément qu’on a inventé Hernani lorsqu’on a simplement retrouvé Henry ! Affirmer qu’on a créé Dona Sol lorsqu’on n’a fait tout bonnement que mettre une mantille à Emma !
    Je me repens d’avoir tout à l’heure posé à mes lecturs avec tant de légèreté cette question : « Qui est-ce qui a jamais su ce que c’était que M. Jay ? » M. Jay est l’auteur de la Conversion d’un romantique, et cet ouvrage, d’un comique inénarrable, lui ouvrait en 1832 les portes de l’Académie française. On était comme cela alors. Voilà les excès profondément grotesques auxquels menaient les dernières convulsions de la réaction classique. — Quels classiques !