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petits mémoires littéraires

Comme poète à immense envergure il ne rencontre qu’un rival sur sa route : Lamartine.

Car c’est le poète qui apparaît d’abord en M. Victor Hugo. Il apparaît avant l’auteur dramatique et avant le romancier.

Il possède assurément l’instrument lyrique le plus extraordinaire, le plus riche, le plus complet, qui jamais ait été, un instrument façonné à la chanson comme à l’hymne, mais particulièrement propre à ces morceaux qu’on a justement comparés à des orchestrations militaires. Telles sont les strophes écrites en 1840 à l’occasion du retour des cendres de l’Empereur.

Plus tard, l’opinion ou plutôt le point de vue devait changer chez M. Victor Hugo. Mais sa manière ne changea point. Elle s’éleva et se fortifia dans la Légende des siècles, où l’esprit hésite entre ces chefs-d’œuvre qui s’appellent le Satyre, la Rose de l’infante, les Pauvres Gens, le Sultan Mourad, le Régiment du baron Madruce.

Lorsque le régiment des hallebardiers passe,
L’aigle à deux tètes, l’aigle à la griffe rapace,
L’aigle d’Autriche dit : « Voilà le régiment
De mes hallebardiers qui va superbement.
Leurs plumets font venir les filles aux fenêtres.
Ils marchent droits, tendant la pointe de leurs guêtres,
Leur pas est si correct, sans tarder ni courir,
Qu’on croit voir des ciseaux se fermer et s’ouvrir. »

Il semble que ce soit là le dernier mot de la description animée et colorée. Et cependant M. Victor Hugo a dépassé ce niveau dans son récit de la retraite de Russie.

L’art du peintre ne saurait aller plus loin. La même pièce contient le tableau de la bataille de Waterloo,