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petits mémoires littéraires

la tribune et à la face du pays, l’auteur se serait bien volontiers dispensé d’écrire cette préface… Il faut que les quatre cents législateurs dont jouit la France sachent que la littérature est au-dessus d’eux ; que la Terreur, que Napoléon, que Louis XIV, que les pouvoirs les plus violents comme les institutions les plus fortes disparaissent devant l’écrivain qui se fait la voix de son siècle. Ce fait-là s’appelle Tacite, s’appelle Luther, s’appelle Calvin, s’appelle Voltaire, Jean-Jacques, il s’appelle Chateaubriand, Benjamin Constant, Staël ; il s’appelle aujourd’hui journal

» Ces quelques mots sont une réponse suffisante aux législateurs qui, à propos de quelques pièces de cent sous, se sont amusés à juger du haut de la tribune des livres qu’ils ne comprenaient pas, et à passer de l’état de législateur à celui infiniment plus amusant d’académicien. »

Il a été écrit des choses bien singulières sur l’auteur de la Comédie humaine, mais il n’en a pas été écrit de plus singulières que par Lamartine dans son volume intitulé : Balzac et ses œuvres, — un de ces livres à coups de ciseaux comme le besoin lui en faisait faire sur la fin de ses jours.

Le grand poète ne comprend rien aux choses dont il parle. Il semble n’avoir pas plus connu Balzac que ses œuvres, bien qu’il se livre à un portrait minutieux de sa personne. Mais ce portrait est le comble du grotesque et de l’inexactitude. « Son nez était bien modelé, quoique un peu long. » Or, qui ne sait que Balzac avait le nez gros et carré du bout ? Cela n’est rien ; Lamartine va nous montrer encore ses dents inégales, ébréchées, noircies par la fumée de cigare. Vraiment, c’est jouer de malheur ; Balzac était aussi