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petits mémoires littéraires

moitié à l’admiration de l’Europe sous le manteau troué de Saint-Aubin, ce pauvre feu Saint-Aubin que vous avez voué au ridicule, et qui, nous en avons peur, vous le rendra bientôt… Allez, grand homme ! allez, Rétif de la Bretonne ! allez, Balzac ! allez, Saint-Aubin ! allez, de Balzac ! allez, Crébillon fils, quand vous écrivez le français et non le gaulois ! allez ! »

Ce n’est plus de la polémique, c’est de la rage.

La Revue de Paris — c’est-à-dire M. Buloz — n’a jamais pardonné à Balzac. Elle l’a constamment fait attaquer de son vivant, et même après sa mort.

Rien n’y a fait, par bonheur. Balzac a gagné son procès devant la postérité, comme il l’avait gagné devant ses juges.

L’édition définitive de ses œuvres complètes a dû entraîner la suppression d’un assez grand nombre de ses préfaces, que je regrette. Écrites au courant de la plume, sous l’action des événements du dehors ou sous la pression d’un sentiment individuel, quelques-unes de ces préfaces ouvraient des jours soudains sur l’homme, — entre autres celle de la première édition de David Sechard, devenu plus tard Ève et David. On y lisait une apostrophe aux députés, motivée par une séance du mois de juin 1843, dans laquelle la Chambre avait été saisie en langue auvergnate de la question du plus ou moins de moralité des Mystères de Paris.

L’accent de Balzac est celui d’un juste orgueil et d’une légitime indignation.

Écoutez-le :

« Si tant de stupides accusations ne se renouvelaient pas chaque jour et ne trouvaient pas de dignes et vertueux bourgeois assez peu instruits pour les porter à