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petits mémoires littéraires

Personne n’y est nommé, ni l’auteur de la pièce, ni la pièce, ni Giboyer ; mais l’allusion est transparente ; cela se passe entre gens qui sont au courant de l’actualité.

Heureux cet esprit fort qui chatouille à la fois
Le gros cuir des manants, la fine peau des rois !
Rien n’étant plus permis, il peut tout se permettre ;
On est très libéral, même en flattant le maître,
Quand du nom de progrès on se fait un appeau
Et qu’on a démocrate écrit sur son chapeau.
Je sais ce qu’en vaut l’aune et le fond de boutique,
De ces gens vernissés du mot démocratique !
Le même lambeau rouge, un peu raccommodé.

Après la carmagnole a fait l’habit brodé.
 

De ces temps si divers vous avez les mérites.
L’avenir saura bien où sont les hypocrites.
Molière eût renoncé, s’il vous avait pu voir,
Pour un Tartuffe rouge à son Tartuffe noir.

M. Émile Augier tressaillit sous l’attaque ; elle lui fut d’autant plus sensible qu’elle lui venait d’un de ses confrères à l’Académie française. Vite il écrivit à M. Guéroult, directeur du journal l’Opinion nationale :

« Mon confrère à l’Académie, M. de Laprade m’invective d’une manière toute guillerette dans une revue mensuelle ; comme je ne veux pas ajourner ma réponse à un mois, je vous demande l’hospitalité pour la lettre suivante que j’écris à ce poète. Agréez, etc. »

Ce poète est d’un ton bien dégagé !

Voici maintenant la lettre de M. Émile Augier à M. de Laprade, ou au moins le commencement de cette lettre :