l’escalier qu’avait jadis monté Louis XIV, et il fut conduit dans l’appartement de Madame de Maintenon, qu’on lui avait destiné. Celui qu’avait occupé Louis XIV fait aujourd’hui partie de l’appartement public ; il y resta quelques moments avec sa famille ; puis chacun des princes se retira chez lui ; et Charles X, demeuré seul avec le maître et la maîtresse du lieu, leur adressa ces paroles :
« ’^ Je ne veux pas qu’on fasse la guerre civile en France et qu’on y verse du sang pour moi ; je m’éloigne. Mon regret est de n’avoir pu la rendre heureuse, car ç’a toujours été mon vœu le plus cher ; je voulais sa puissance et sa tranquillité. Tout mon désespoir est l’état dans lequel je la laisse. Que va-t-il arriver ?… »
» La première cour du château se trouvait remplie par les voitures, les chevaux de main, et des soldats couchés par terre. Dans la deuxième étaient quelques voitures encore, avec la compagnie des cent-suisses qui bivouaquait sur le pavé… Ces soldats couchés épars, ces faisceaux d’armes, ces chevaux, cette sorte de bivouac, tout ce désordre guerrier, au pied de ces gothiques tourelles, formait un tableau qui eût charmé les yeux, s’il n’eût affligé la pensée ; mais ce roi fugitif devant son peuple, le petit-fils de Louis XIV venant demander asile dans une demeure encore empreinte des marques de la grandeur de son aïeul, cette halte de la monarchie en marche pour l’exil en face du monument de son orgueil et de son faste passé, dont la ruine semblait regarder tristement la scène qui se passait à ses pieds : quel spectacle, sous le calme d’un ciel pur et en présence de la nature toujours immuable devant toutes les agitations des hommes !