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petits mémoires littéraires

nant la route de l’étranger, alla à Maintenon réclamer l’hospitalité de son jeune ami, pour une nuit seulement.

Le duc de Noailles a voulu raconter lui-même cette auguste visite ; il n’a eu que peu de chose à faire pour dramatiser un des chapitres les plus saisissants de l’histoire de France. Voici, presque entier, ce fragment, qui, en dehors de son intérêt particulier, donnera une idée favorable de la façon d’écrire du successeur de Chateaubriand :

« Au milieu de la nuit du 3 août 1830, le bruit se répandit tout à coup que Charles X, obligé de fuir sa capitale et résidant depuis trois jours à Rambouillet, allait venir demander un asile au château de Maintenon. Aussitôt les ordres furent donnés, les appartements préparés, et, à deux heures du matin, tout se trouva prêt à recevoir le triste cortège attendu.

» La nuit était calme et pure, la lune à demi voilée, et le silence n’était encore troublé que par les pas de deux régiments de cavalerie qui défilaient sur le pont de la ville, après lesquels défila, sur le même pont, l’artillerie de la garde, mèche allumée. Cette marche guerrière et silencieuse, le bruit sourd des canons, l’aspect des noirs caissons, l’éclat de ces torches au milieu des ténèbres, présentaient l’image, hélas ! trop véritable, du convoi de la monarchie.

» À deux heures du matin, les premières voitures arrivèrent, ensuite M. le Dauphin et Madame la Dauphine, Madame la duchesse de Berry, M. le duc de Bordeaux et Mademoiselle, enfin le Roi et toute sa suite.

» En descendant de voiture, le Roi paraissait accablé ; sa tête était penchée sur sa poitrine et pliait sous le poids de ses réflexions. Il monta avec peine