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petits mémoires littéraires

exagérait-il encore, s’il est possible, le culte professé par Legouvé père.

Bouilly plaça son pupille au collège Bourbon (tantôt Bourbon et tantôt Bonaparte), où il grandit studieusement. On ne saurait rien ou presque rien de Ces années de collège, sans les indiscrétions de M. Ch. Lefeuve, qui a doté son siècle d’Une Histoire du lycée Bonaparte, où il a relevé, avec une minutie qui ne déplaît pas aux biographes, un assez grand nombre de renseignements sur tous ses condisciples. Il y raconte comment le jeune Ernest Legouvé fut conduit dans un pensionnat de demoiselles, où son cœur battit pour la première fois, pensionnat dirigé par mademoiselle Sauvan. Cet épisode romanesque emprunte, sous la plume de M. Lefeuve, des tournures et des métaphores qui rappellent les grands jours de M. Prudhomme.

« Ernest (M. Lefeuve l’appelle Ernest tout court) était souvent le premier de sa classe, et il allait souvent chez mademoiselle Sauvan, avec Sauvan son condisciple, plus tard commissaire-priseur. Dans cette autre pension, où des leçons il passait aux conseils, et des récréations aux distractions, il apercevait au parloir ou par les fenêtres, sous les arbres du jardin, ou le dimanche à l’heure de la messe, et mieux encore le jour de la distribution des prix, une vingtaine de jeunes personnes qui n’avaient plus la moindre envie d’être prises pour des enfants. Une seule de ces pensionnaires (une seule vaut son pesant d’or !) fut distinguée parle rhétoricien, qui reconnaissait à merveille la trace de ses pas sur le sable, le frôlement de sa robe sans la voir, sa voix au milieu d’autres voix, et sa musique au piano, de bien loin. L’amour qu’elle avait inspiré au fils du poète n’était plus un mystère