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excuser ses succès trop faciles, sa position fortunée, en aplanissant le chemin à certains de ses confrères, sans se demander s’ils peuvent devenir ses rivaux. C’est assurément l’indice d’un caractère généreux. En outre, il a toujours compté des amitiés solides, même parmi les illustres. Jean Reynaud était de ce nombre. Eugène Sue, entre autres, se plaisait à reconnaître l’appui efficace qu’il lui avait dû aux jours de découragement. Ce sont là bien des titres pour atténuer les plaisanteries.

Et puis sa bonne volonté est immense. Il comprend tout et ne demande pas mieux que d’atteindre à tout. On l’a vu rôder autour de l’éditeur Lemerre, ce Renduel des poètes parnassiens. Lors de l’appel fait aux littérateurs pour la publication du Tombeau de Théophile Gautier, M. Ernest Legouvé n’a pas été le dernier à envoyer ce quatrain, qui rompt tout à fait avec sa manière et trahit un désir de rapprochement avec l’école nouvelle :

Souple comme un pinceau, ferme comme un burin,
Sa plume merveilleuse, en gravant sur l’airain.
Se trempe aux flots de pourpre et d’or de la fournaise,
Se baigne aux flots d’argent de l’astre Véronèse.

Tous ces indices plaident assurément en faveur de M. Ernest Legouvé ; il serait le premier auquel on n’aurait pas tenu compte de ses avances.