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petits mémoires littéraires

mélancolie : « Par quelle fantaisie le hasard, pour vous répondre, a-t-il désigné, dans une compagnie où l’on compte tant d’hommes d’État éminents, un des rares Français qui n’aiment pas la politique ? »

Elle est trop forte ! comme dirait Giboyer.

Mais si vous n’aimez pas la politique, qui est-ce qui vous a forcé à en faire ?

De plus en plus âpre, mais obligé de contenir sa verve dans la zone littéraire, M. Émile Augier écrivit successivement Maître Guérin, la Contagion, Lions et Renards, qui ne sont pas au-dessous de ses conceptions précédentes.

En 1868, il eut la velléité de revenir à la comédie en vers. Paul Forestier réussit plutôt par ses qualités de sentiments que par ses qualités de style, car, il faut bien le dire définitivement et au moment de clore ce chapitre, M. Émile Augier, en dehors de l’Aventurière, est un poète de second ordre. Ses bonnes fortunes de pensée ou d’image ne dépassent pas six vers ; ses tirades ressemblent aux jets d’une bougie exposée à tous les vents. Même dans ses veines les plus heureuses, il fait succéder une trivialité à un madrigal, il enchâsse un diamant dans une monture de quatre sous ou met des cheveux de portier dans un médaillon de Froment Meurice. Toutes les formes, tous les genres, tous les styles, toutes les manières se sont donné rendez-vous dans cette poésie. C’est un carrefour, une patte d’oie. Il y a le vers bonhomme de Collin d’Harleville, le vers impertinent et fleuri de Musset ; il y a surtout le vieux vers françois pastiché d’après Montfleury et Molière, le vers raide :

Elle reste charmante et de plaire jalouse,


dit M. Émile Augier. Souvent aussi il procède par