Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
petits mémoires littéraires

Mais osez donc nous indiquer un de ces beaux élans !

Mais montrez-nous donc cette hardiesse ! Faites-nous donc toucher une de ces situations pathétiques !

Non, rien n’a sauvé l’œuvre de l’oubli et rien ne méritait de la sauver ! Gomme tout le monde, vous ignoriez Ninus II avant d’être académicien, et maintenant que vous l’êtes, la sueur vous vient au front en songeant que vous êtes obligé d’appeler cela une œuvre !

Cela ne serait rien et cela rentrerait après tout dans les nécessités des concessions académiques si Jules Sandeau, mentant à son âge, à ses relations, à tout ce qu’il y avait en lui de chaud et de vibrant, n’avait cru devoir couronner cet éloge d’une pièce ridicule par une attaque gratuite et prématurément sénile à quelques hommes de son époque : « La jeune génération, infatuée d’elle-même, fait assez bon marché de ces succès refroidis par le temps. Il est bon de lui rappeler que le monde ne date pas du jour où elle est née ; que le talent et l’enthousiasme existaient avant elle ; qu’elle doit vieillir à son tour, et que le dédain du passé est tout à la fois une faute de goût et un manque de prévoyance. »

J’imagine qu’à ce passage bien des fronts chauves ont dû s’incliner en signe d’assentiment, bien des vieilles poitrines ont dû tressaillir d’aise à cette semonce adressée à la jeunesse. Les vieillards aiment si peu à accepter les jugements des jeunes gens, leurs juges naturels cependant ! J’aurais compris cette complaisance de Jules Sandeau à propos d’un Chateaubriand ou même d’un Soumet ; mais elle manque absolument son effet à propos d’une individualité aussi chétive que M. Brifaut. Le temps, pour me servir de son expression, ne refroidit que les succès qui