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chaient sur le bout du pied, afin de ne pas éveiller le bruit. On aurait entendu voler Alfred de Musset.

Dès qu"il fut académicien, M. Octave redressa la tête, enfla la voix. Le premier résultat de cette transformation fut la pièce de Montjoye. Il a touché là de bien près à la grande comédie. Montjoye est l’étude hardie et vigoureuse d’un de ces personnages qu’on appelle hommes forts. Être fort, selon la langue moderne, c’est être égoïste, sceptique, pratique, « bronzé, » comme disait Chamfort ; c’est ne tenir à rien, pas même aux siens ; c’est surtout avoir mis le remords sous ses pieds. Le théâtre et le roman abondent en hommes forts, tels que Tartuffe et Don Juan. De nos jours, Balzac a passé sa vie à faire des hommes forts ; — je crois même que le mot est de lui ; — et, à côté de Balzac, Eugène Sue s’est complu dans la création d’un assez grand nombre de ces endurcis. Le d’Alvimar d’Angèle, d’Alexandre Dumas, est aussi un homme fort, ainsi que le Vernouillet des Effrontés et le Jean Giraud de la Question d’argent.

Ce n’est donc pas un type nouveau que M. Feuillet a pu songer à produire dans son personnage de Montjoye. Mais, comme tous les auteurs qui s’emparent d’une figure déjà connue, il a eu probablement l’ambition de la fixer pour toujours, en en résumant les traits épars. Moins que personne il paraissait l’homme de cette tentative ; il a donné tort aux préventions. Il y a des parties fort belles et même énergiques dans cette comédie, que n’est point parvenu à gâter un dénouement ridicule.

Le drame de Julie, joué au Théâtre-Français, en 1869, appartient à la même veine. Il y a plusieurs Julie célèbres ; il y a d’abord Julie ou la Nouvelle Héloïse du citoyen de Genève ; il y a aussi cette « Parisienne »