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style im peu effacé. Si Molière eût écrit moins admirablement, s’il était moins artiste en notre langue, qui sait ? peut-être on le comprendrait mieux au delà des Alpes et du Rhin. »

Alors, c’est un regret ? Et Scribe a bien fait d’écrire pour l’étranger ? — Conçoit-on que de pareilles énormités aient retenti en pleine Académie !

M. Vitet, arrivant à M. Feuillet, apprécia son œuvre dans les termes prévus : « petits cadres dramatiques… élégantes fictions… théâtre de château. » Il le remercia de s’être tant et si heureusement employé pour maintenir florissante l’institution du mariage. « S’il reste encore de mauvais ménages, la faute n’en est pas à vous, » lui dit-il.

Une seule pointe d’ironie, qui pourrait bien avoir été inspirée par l’Histoire de Sibylle, perce sous ce discours. La voici : « Vous faites pénétrer la morale jusque dans les boudoirs, vous l’incrustez même dans les bijoux ; et c’est merveille de voir sortir de vos petits écrins de velours et de soie les enseignements les plus solides et les plus hautes vérités. Il n’est pas jusqu’aux choses saintes qui ne reçoivent ainsi, çà et là, comme en passant, le secours imprévu d’un mot heureux, d’une réponse habile, quelquefois même d’un sourire opportun. »

M. Vitet termina en félicitant M. Octave Feuillet des « gracieux applaudissements » dont il venait d’être l’objet.

Un phénomène qui ne se reproduit que bien rarement devait signaler l’entrée de M. Feuillet à l’Académie. L’auteur de tant de jolies bulles irisées se transforma tout à coup. Sa littérature avait été trop souvent une littérature de convalescent ; les idées ne s’y montraient qu’avec un abat-jour ; les phrases mar-