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petits mémoires littéraires

………Avouons que pour un honnête homme,
Qui dans un coupé-lit comptait l’aire un bon somme,
Et qui pour son plaisir prétendait voyager,
Ce début était peu propre à l’encourager !

Le soleil reparut, et pour les Pyrénées
Nous partîmes bientôt, à petites journées,
Heureux de contempler tout le long du chemin
Les chefs-d’œuvre éternels qu’y sema l’art romain.

Un beau jour, nous devions, en passant par Narbonne ;
Sur la foi de Nadaud, aller voir Carcassonne.
C’était le huit juillet, jeudi, jour d’Institut.
Mon cœur suivit sa pente et tourna vers ce but :
« À trois heures, pensai-je, ils seront en séance. »

L’évocation de Nadaud me semble un peu folâtre dans ce docte milieu.

De station en station, de rime en rime, M. Camille Doucet arrive à Béziers. Mais à Béziers, même aventure qu’à Vienne et à Màcon. Le fantôme du père Viennet se dresse devant lui. M. Doucet est bon ; il s’arrête à pleurer sur Viennet, comme il s’est arrêté à pleurer sur Ponsard. Tout cela prend du temps.

Enfin, le voilà à Luclion ; il va se reposer, se réconforter ; déjà il a bu son premier verre de Ferras-Nouvelle… Ô douleur ! en entrant à l’hôtel, il trouve un télégramme qui lui dit : « Repartez pour Paris à l’instant ! »

À l’instant, je repars. Et ce charmant voyage
Qui, tous les plaisirs nous offrant le mirage,
Promettait presque trop et ne tint pas assez.
Il est fini ! Mes vers… ne sont pas commencés !

Toute la belle humeur et tout l’esprit de M. Camille Doucet sont là. J’imagine que Mon Voyage eut un succès de lecture prodigieux, — à rendre jaloux M. Ernest Legouvé.