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avait reçu toute sa correspondance de 1661 à 1691, monument de haute franchise, libre exposé de sa conduite devant l’histoire. Sa vie est là jour par jour, heure par heure, pendant trente ans. Cette correspondance ne remplit guère moins de six cents volumes. M. Camille Rousset, qui est la personnification de la conscience, a dû étudier ces six cents volumes. Il ne s’en est pas plaint, d’ailleurs ; au contraire.

« Les années que j’ai passées là, a-t-il dit, sont certainement celles qui m’ont donné le plus de bonheur intellectuel et de jouissances parfaites. Nouer un commerce intime et de tête-à-tête avec les plus grands hommes d’un grand siècle ; tenir entre ses mains les lettres originales de Louis XIV, de Louvois, de Turenne, de Condé, de Vauban, de Luxembourg et de tant d’autres, dont l’écriture semble encore fraîche comme si elle était tracée d’hier ; démêler sans peine tous les secrets de la politique et de la guerre ; assister à la conception, à l’éclosion des événements ; surprendre l’histoire pour ainsi dire à l’état natif, quelle plus heureuse fortune et quelle plus grande joie ! Je vivais au sein même de la vérité ; j’en étais inondé, pénétré, enivré. »

À cette époque, comme je viens de le dire, M. Camille Rousset n’était encore qu’un professeur. Né à Paris le 15 février 1821, élève remarqué au concours général, il avait été tout de suite réclamé par l’Université. Théodose Burette lui avait servi de guide ; M. Mignet avait imposé les mains sur son jeune front. Il se trouva donc dirigé vers l’enseignement comme vers sa voie naturelle ; il y eut pour compagnon et pour ami un jeune homme mort prématurément, Hippolyte Rigault, qui a laissé une agréable trace littéraire au Journal des Débats.