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petits mémoires littéraires

» J’ai notablement connu et pratiqué Antoni Deschamps ; et quant à Gérard, je me trouve avoir causé quelque peu avec lui quand il était enfermé à Montmartre. On ne l’oubliait plus, ni ses grâces d’écureuil en cage.

» J’étais en Belgique quand arriva la lugubre aventure qui mit fin aux jours de ce galant homme et de ce gentil poète. Je ne pouvais pas ne pas en être affligé et stupéfié.

» Depuis lors, j’ai causé de Gérard avec un de mes amis d’enfance, employé à la mairie Saint-Sulpice. La conviction de ce garçon, à qui on pouvait légitimement se fier, semblait nette. Selon certaines assurances, certaines révélations qu’il tenait de bon lieu, Gérard aurait été assassiné par des escarpes auxquels il se mêlait pour les analyser et les peindre.

» J’ai donc tressailli, Monsieur, en lisant votre phrase intuitive, sage probablement, et qui semble une nouvelle traînée de feu, un nouvel appel à ce qu’il y a de douloureux dans les consciences fidèles et perplexes. J’ai tressailli, et cela menait à ne pouvoir me taire. C’est une façon d’honorer nos morts que d’approcher pieusement le flambeau, de vouloir bien comprendre et bien savoir la dernière lutte d’un être de choix.

» Agréez, je vous prie, l’assurance, etc. etc.

» Ch. Fournier. »

Puisque je suis mis en demeure de m’expliquer, je vais dire sans ambages ce que je sais et ce que je crois.

Un matin d’hiver, au petit jour, Gérard de Nerval fut trouvé pendu à la grille d’un égout de la rue de la Vieille-Lanterne.