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petits mémoires littéraires

La rue de la Vieille-Lanterne était une des ruelles les plus horribles de l’ancien Paris ; elle roulait son ruisseau fangeux sur l’emplacement où est située aujourd’hui la rue Adolphe Adam, derrière le théâtre des Nations.

Gérard s’était-il pendu ? ou avait-il été pendu ?

Il avait été pendu, — j’oserais l’affirmer.

Voici pour les preuves matérielles :

La strangulation avait eu lieu non pas à l’aide de sa cravate, mais avec un cordon de tablier de femme.

Que venait faire là ce cordon, et comment en justifier la possession entre les mains de Gérard de Nerval ?

Un commencement d’enquête, qui a été presque aussitôt abandonné (pourquoi ?), l’explique autrement.

Il y avait dans la rue de la Vieille-Lanterne, de l’autre côté et non loin de cette grille fatale, une maison mal famée, tranchons le mot, un bouge.

L’enquête a constaté qu’à un moment donné de la nuit Gérard était entré dans ce bouge.

J’ai déjà exprimé mon sentiment sur les pérégrinations nocturnes de Gérard de Nerval. Il entrait beaucoup plus de littérature que d’autre chose dans cet amour du cabaret et des mœurs des halles. C’était l’influence d’Hoffmann, le ressouvenir des Porcherons, la lecture de Rétif de la Bretonne. Comme tous les promoteurs de la renaissance de 1830, Gérard voyait avec les yeux des peintres ; il aimait les intérieurs populaires pour leurs couleurs étranges et leur énergique harmonie. C’était un petit-fils de Jean Steen. »

À cette époque, il travaillait précisément à ses Nuits d’octobre, qui sont un résumé de ses excursions passé minuit à travers les tavernes parisiennes, — excursions entreprises, la plupart du temps, tantôt avec son