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et bien vivant qui comprenait l’administration d’une manière originale. Par exemple, il se plaisait infiniment à dîner avec son personnel féminin. Jusque-là, rien d’absolument réprébensible ; mais, un jour, il paraît que la plaisanterie fut poussée un peu loin.

C’était, le 15 juin 1731, à deux heures de l’après-midi. La sévère histoire a conservé la date et l’heure. Gruer (un nom macaronique s’il en fut) était à table, entouré d’un essaim de danseuses et de plusieurs seigneurs de la cour. Tout à coup, au milieu des éclats de rire et des détonations du vin de Champagne, le directeur de l’Opéra se leva et fit à ses pensionnaires la plus extraordinaire et la plus scandaleuse des propositions. Elles en rirent à gorge déployée ; il y avait là mesdemoiselles Camargo, Pélissier, Petitpas, qui toutes cédèrent, avec plus ou moins de façons, au vœu de leur directeur.

« La fête, — raconte Castil-Blaze, — se termina par une ronde échevelée, où les exécutants avaient d’autant plus de liberté dans leurs mouvements qu’ils ne craignaient en aucune façon de chiffonner leurs costumes. »

Le lendemain, Gruer était révoqué.

Parmi ses successeurs, Francœur et Rebel sont ceux qui se sont maintenus le plus longtemps et dont les noms reviennent le plus fréquemment dans les écrits du dix-huitième siècle. Lorsqu’un gros financier voulait s’assurer les bonnes grâce d’une demoiselle de l’Opéra, il ne manquait jamais de faire, briller à ses yeux un engagement de Francœur.

Sous le premier Empire, l’Opéra fut administré par le bonhomme Picard, — et, sous la Restauration, par M. Papillon de la Ferté. Papillon de la Ferté ! quel