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à la mort du roi assyrien ; — il écrivait la Damnation de Faust en s’inspirant des magnifiques pierres qu’Eugène Delacroix déchirait de son crayon furieux, et qui sont restées le premier et le dernier mot de la lithographie française ; — il arrachait aux sylphes de Roméo et Juliette les mélodies diaphanes qui escortent le char de la reine Mab ; — il demandait à Byron le secret mélancolique de sa Marche funèbre d’Harold.

C’était un lettré autant qu’un musicien ; c’était un peintre autant qu’un lettré. Il avait au plus haut degré l’intuition des arts latéraux, — et je crois que, pour un rien, le succès aidant, il aurait lâché la musique.

Ce que je dis semble énorme au premier aspect, et rien n’est plus vrai cependant. Il l’a démontré, dès ses premiers pas dans la carrière, en acceptant les fonctions de critique musical dans le Journal des Débats, fonctions qu’il a occupées pendant de si longues années, — au grand scandale de ses confrères et de ses contemporains.

J’ai dit : au grand scandale. C’est là que je voulais en venir. Je sais que je vais remonter un courant, mais cela ne me déplaît pas. Peut-être ne suis-je pas suffisamment autorisé pour asseoir un jugement sur le génie musical d’Hector Berlioz. C’est possible. Je tiens cependant à constater mon admiration sans réserve pour quelques-unes de ses compositions, — admiration qui a devancé de beaucoup d’années celle de la foule d’aujourd’hui, et qui par cela même ne saurait être mise en doute.

J’aimais Berlioz quand il était discuté ; je le défendais lorsqu’il était attaqué. Je l’applaudissais toujours.

Mais Berlioz musicien eut pendant foute sa vie un