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petits mémoires littéraires

Un peu de réflexion, ou simplement de mémoire, suffit pour réduire à néant cette accusation.

Berlioz a eu la plus belle existence d’artiste qu’il pouvait rêver. Il a attaché son nom aux premiers festivals. Le premier, il a eu pour exécuter ses œuvres ces énormes masses d’instrumentistes que ses confrères ne devaient obtenir que plus tard.

À trente ans, l’Opéra lui a ouvert ses portes ; un des grands poètes de l’époque, Auguste Barbier, lui a confié un livret en deux actes : Benvenuto Cellini. C’était là une chance merveilleuse. Benvenuto Cellini ne réussit point. Est-ce à dire qu’il devait réussir ? Il n’en est resté que le morceau d’orchestre du Carnaval romain.

Eh bien ! cet insuccès même devait servir de piédestal à Hector Berlioz. Le lendemain, Paganini lui envoyait 20,000 francs, comme pour protester contre le jugement du public. L’effet de cette libéralité fut immense.

Berlioz a obtenu toutes les récompenses auxquelles il pouvait aspirer : il a été décoré, membre de l’Institut, professeur du Conservatoire. Est-ce là le fait d’un méconnu ? Je ne le crois pas. Il a été l’hôte de plusieurs souverains étrangers ; il en a reçu les plus flatteuses distinctions. Enfin, et j’insiste sur ce point, il a eu, sa vie durant, l’approbation d’un grand nombre d’intelligences d’élite, et celles qui font les gloires sérieuses et les renommées durables.

Berlioz malheureux ? Allons, vous voulez rire !

« Mais vous ne vous rappelez donc pas son visage désespérément mélancolique, la maigreur livide de ses traits, l’expression sombre de son regard ? »

Si, et j’en ai été attristé comme vous. Souvent, je