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petits mémoires littéraires

« Pour l’amour de Dieu, écrivait-il à Charles Maurice, le journaliste de théâtre, dites du bien des acteurs, c’est tout ce que je vous demande ! Ils sont déjà assez malheureux d’être jetés hors de la société par des imbéciles, sans encourir encore votre haine ; mais non, ce n’est pas votre haine, ce sont vos traits seulement, je le sais, c’est le trop plein de votre esprit. Eh bien ! oui, ami, j’entends tout cela, mais enfin ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient faire (dans la Reine d’Espagne, de Delatouche) ; soyez un peu aimable pour eux… Revenez le plus tôt que vous pourrez sur Samson, je vous en prie. Je vous le présenterai l’un de ces matins. »

C’est d’un brave homme cette lettre. Lorsqu’il n’eut plus à protéger les comédiens et les auteurs, lorsqu’il ne lui fut plus possible de fournir du travail aux dessinateurs, le baron Taylor s’occupa de les grouper. Il fonda les cinq grandes associations qui feront vivre son nom éternellement.

Une idée bien simple, pourtant !

J’ai connu Taylor dans son appartement de la rue de Bondy. La maison, haute, sévère, solennelle, était digne de lui ; l’escalier rempli de statues, de bustes, de fragments antiques, annonçait le voyageur et l’archéologue. On sonnait. Un domestique vous introduisait dans une antichambre donnant sur une immense bibliothèque, rangée avec un ordre parfait, tenue avec un soin minutieux. Cette bibliothèque, une des plus belles au point de vue de l’art dramatique, une des plus riches en éditions originales, était un de ses orgueils et son luxe unique. On comprend sa douleur lorsque, après la révolution de 1848, il fut forcé d’en vendre la moitié.