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petits mémoires littéraires

Barbier et Quérard entre autres. Ce dernier s’était constitué leur intermédiaire ; il avait apporté à Grille, de la part de Van den Zande, un exemplaire des Fanfreluches ; Grille avait riposté par l’envoi de ses Fables et Fabliaux. Cela amena un échange de lettres qui devint bientôt un commerce régulier.

J’ai voulu puiser, dans ces lettres, dont Grille lui-même se fît l’éditeur en 1853 ; j’ai voulu y chercher le dernier écho — un écho bien faible — des idées et des mœurs de certains hommes de deuxième et même de troisième plan, héritiers directs du dix-huitième siècle, mais de ce que j’appellerai le « petit dix-huitième siècle, » c’est-à-dire le dix-huitième siècle de l’Almanach des Muses et non de l’Encyclopédie.

Les premières lettres des deux bibliophiles sont consacrées à un mutuel exposé de principes ; ils s’entendent sur beaucoup de points. « Je porte, dit Van den Zande, le mème jugement que vous sur le grand Arouet ; tout ce qui a été fait de bien et de bon depuis 89, nous le lui devons…

« Trois auteurs sont mes bêtes noires, à savoir : Chateaubriand, Victor Hugo, Lamartine. »

Grille fait des réserves pour Lamartine, à qui il a adressé autrefois une épître ; c’est la manie de Grille d’adresser des épîtres à tout le monde. Il a aussi l’habitude de semer des vers dans ses lettres comme Chapelle et Bachaumont Van den Zande ne peut s’empêcher de lui exprimer son étonnement de cette fécondité poétique : « Vous êtes, monsieur, un rude jouteur ; si ma muse voulait suivre la vôtre, elle serait bientôt asthmatique ; j’ignore quel âge vous avez, mais je suis sur que vous n’y pensez pas.

» Comme je touche à ma soixante-douzième année, je dois me souvenir du mien… J’aurai toujours du