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petits mémoires littéraires

Véron, lorsque l’ambition lui poussa d’écrire les Mémoires d’un bourgeois de Paris, consacra un de ses premiers chapitres à l’éloge d’Auber. — Ah ! comme il le préférait ce Meyerbeer, dont le Robert le Diable avait commencé sa fortune cependant ! — Auber était son idéal, sa moyenne, juste ce qu’il lui fallait de mélodie et de rêverie à ce gros parvenu. L’autre, l’homme de génie, troublait sa digestion avec ses cuivres.

Le docteur ou plutôt le bourgeois de Paris s’exprimait en ces termes :

« M. Auber cache tant qu’il peut l’esprit le plus attique et le plus charmant ; sa prétention, c’est d’être paresseux. Les femmes, les chevaux, les boulevards, le bois de Boulogne et la musique, c’est tout ce qu’il aime. Il se rappelle avoir traversé la Manche, dès sa première jeunesse, pour se rendre en Angleterre, mais il n’a jamais fait d’autre infidélité à son Paris… J’ai assisté à la répétition générale de la Muette, dans les derniers jours de février 1828 ; j’aurais parié que M. Auber avait été chercher ses inspirations et ses pittoresques mélodies sous le beau ciel de Naples ; il les avait trouvées, soit au trot dans une allée du bois de Boulogne, soit dans des causeries intimes avec les beautés, aux séductions engageantes, de nos théâtres lyriques. »

Les beautés ! quel style ! Et les beautés aux séductions engageantes ! Allons ! le docteur Véron n’écrivait pas mieux que le papa Bouilly…

Les dernières années d’Auber sont connues, très connues même. Directeur du Conservatoire, on voudrait pouvoir jeter et épaissir quelques voiles sur ce que certaines gazettes appelaient sa « galanterie proverbiale ». On est plus que clément en France. Le petit père Auber a fréquemment recommencé, — ou essayé