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petits mémoires littéraires

du matin et travaille devant ma fenêtre jusqu’il cinq heures et demie du soir. Mon déjeuner me vient du cercle : un œuf. Madame de Gastries me fait faire de bon café. À six heures, nous dînons ensemble, et je passe la soirée près d’elle. C’est le type le plus fin de la femme : Madame de Beauséant en mieux. Mais toutes ces jolies manières ne sont-elles pas prises aux dépens de l’àme ? »

On aura remarqué cette phrase : C’est madame de Beauséant en mieux. Il est clair que la duchesse de Castries posait à son insu devant Balzac. Si discret qu’il ait toujours été, il est convenu plus tard lui avoir emprunté quelques traits pour le portrait de la duchesse de Langeais, la principale héroïne des Treize.

Balzac parait avoir conservé jusqu’à la fin les meilleures relations avec madame de Castries. Comment aurait-il pu en être autrement ? La dernière lettre qu’il lui ait écrite (du moins d’après sa correspondance imprimée) est de 1838. Il s’y plaint comme toujours de ses travaux accablants. Par bonheur, se dit-il, « j’ai une santé de fer, parce que je ne me suis jamais ébréché qu’au service des muses, ce que vous ne voulez jamais croire. »

Après Balzac, madame de Castries se tourna vers Alfred de Musset.

Mais celui-ci avait plus de sans-façon que Balzac. Je n’en veux pour preuve que ce passage d’une de ses réponses cavalières à la grande dame, qui l’avait probablement interrogé sur son état moral :

« Vous me parlez d’un méchant sujet qui est moi-même. Je crois avoir le droit de dire que je m’ennuie, parce que je sais très bien pourquoi… Je ne me crois pas très difficile à guérir ; cependant je ne serais pas non plus très facile. Je n’ai jamais élé banal. Ce qu’on