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petits mémoires littéraires

Madame la duchesse de Castries nee demandait pas mieux que de dénouer les cordons de son masque. Balzac fui ébloui. On l’engagea à venir ; il objecta ses travaux surhumains, enfin il accepta, « J’espère devenir meilleur auprès de vous, dit-il, et je suis persuadé que je ne peux que gagner dans le commerce d’une âme aussi noble, aussi bien douée que l’est la vôtre. »

À partir de ce moment, Balzac eut ses grandes et ses petites entrées dans un monde qui devait fournir des types exquis à sa Comédie humaine.

Il était ce qu’il a toujours été : un causeur entraînant, un charmeur. La duchesse de Castries ne put bientôt plus se passer de lui. Elle l’engagea à venir à Aix-les-Bains où elle se rendait tous les ans. Le duc et la duchesse de Fitz-James, qui étaient du voyage, joignirent leurs instances à celles de madame de Castries.

Il fallait que le charme fût bien puissant pour que Balzac y cédât, lui, le cénobite de la rue Cassini. Aussi est-ce sur un ton singulier, moitié enjoué, moitié ironique, qu’il en écrit h ses amis d’Angoulême :

« Il faut que j’aille grimper à Aix, en Savoie, courir après quelqu’un qui se moque de moi peut-être, une de ces beautés angéliques auxquelles on prête une belle âme, la vraie duchesse, bien dédaigneuse, fine, spirituelle, coquette, rien de ce que j’ai encore vu ! »

Balzac avait fait ses conditions en partant : il ne changerait rien à sa manière de vivre, il serait indépendant. On lui avait tout concédé. Les détails qu’il a donnés sur son genre d’existence pendant celle période sont charmants et font sourire :

« J’ai une petite chambre simple, d’où je vois toute la vallée. Je me lève impitoyablement à cinq heures