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petits mémoires littéraires

— Après tout le monde… ce n’est pas gentil, monsieur Bilderbeck. Donnez-moi votre note.

— Je vous l’ai déjà donnée une douzaine de fois, vous le savez… C’est 3,203 francs, sans les intérêts.

— Alors, vous n’avez pas votre note ?

— Si fait ! si fait ! s’écrie le tailleur en surprenant le geste de Lespès… j’en ai toujours un double sur moi… plusieurs doubles… La voici…

— C’est bien. Posez-la sur ce plateau maroquin. Je la ferai examiner.

— Examiner ? Mais vous l’avez maintes fois examinée et consentie.

— Ah ! c’est qu’à présent j’ai un intendant… c’est bien différent… il faut que tout lui passe par les mains.

— Remettez-moi au moins un acompte ; j’attendrai pour le reste.

— Impossible sans le visa de mon intendant.

— Voyons… trois cents francs… deux cents francs, là !… Il y a assez longtemps que je patiente.

Léo Lespès ne l’écoute pas ; il essaie toujours des cravates rouges.

— Cent francs !… je me contenterai de cent francs aujourd’hui ! reprend le tailleur.

— Fantaisiste !

— Je ne peux cependant pas rentrer chez moi comme j’en suis parti, murmure-t-il ; que penserait ma femme ?

— Pourquoi l’avoir accoutumée à penser ? Mauvaise habitude dans un ménage !

— Elle ne doit plus m’attendre pour dîner. Déjà six heures et demie ! Et moi qui demeure boulevard Voltaire… Je trouverai tout froid.

— Eh bien ! dînez avec moi, mon cher monsieur Bilderbeck.