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petits mémoires littéraires

— Oh ! monsieur Lespès, vous plaisantez…

— Non, non… je n’aime pas à diner seul. Nous irons au restaurant.

— La compagnie d’un simple tailleur ?…

— Vous ne vous rendez pasjustice, Bilderbeck. À défaut d’instruction, vous avez du jugement, de l’acquit…

— Oh ! de l’acquit ! si peu !

— Ravissant ! ce sera le plus joli mot de la soirée. Nous ferons un petit dîner délicieux. En marche !

Sur le seuil de l’appartement, le tailleur hésite une dernière fois.

— Tenez, monsieur Lespès, dit-il, je préférerais un acompte de cinquante francs.

— Allons diner !

Avant diner, comme on est dans les plus beaux jours de l’été, le ciel étant bleu et l’air étant tiède, Léo Lespès propose une courte apparition aux Champs-Elysées, en remise découverte.

Nouvel accès de confusion de Bilderbeck !

Enfin on roule dans la grande allée ; de temps en temps, le tailleur désigne à Léo Lespès quelques-uns de ses clients, en accompagnant leurs noms du chiffre de leurs créances chez lui.

M. Ernest, 2,700… le comte Fleurange, 4,000… les frères Della Banca, 8,000

Tout cela ne porte pas à la gaieté ; Lespès fait tourner bride ; on se dirige vers Brébant.

Les voilà tous deux attablés dans la salle du premier étage.

— Aimez-vous la bisque, Bilderbeck ?

— Oui… non…

— Peut-être préférez-vous commencer par une tartine de caviar ?