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petits mémoires littéraires

Cependant Du Boys souleva timidement quelques objections.

Son père, son excellent père d’Angoulême, lui avait écrit pour lui demander de lui envoyer la médaille, dont il voulait orner son salon. Il laissait entendre, le digne père, qu’il lui renverrait la valeur en argent. Ne devait-il pas, lui, Jean Du Boys, obéir à ce vœu respectable, qui ne lésait d’ailleurs en rien ses intérêts ?

La petite bande garda le silence. Le sentiment de la famille n’était pas entièrement étouffé en elle.

Seul, un familier éleva la voix en ces termes :

— Écoutez-moi, dit-il ; je sais un moyen de tout concilier et de tirer deux moutures de ce seul sac. Du Boys peut avoir à la Monnaie une très fidèle reproduction en cuivre de sa médaille, qu’il envoie cette reproduction à l’auteur de ses jours. Quant à l’original, je l’engage fortement à en opérer le lavage chez le premier orfèvre venu. Il sait ensuite ce qu’il lui reste à faire.

La petite bande éclata en applaudissements.

— C’est un dieu qui a parlé par cette voix ! dit, Lemercier de Neuville attendri.

Il fut fait comme il avait été décidé. Le père de Jean Du Boys reçut sans méfiance une copie resplendissante du glorieux trophée, tandis que le trophée lui-même fit les frais d’une exquise ripaille.

Puis vint la chute du gouvernement impérial et la dispersion de la petite bande. Passons. M. Du Boys existe toujours ; il a perdu son enfant, mais il a gardé sa médaille. Il ne la regarde jamais sans entrer en fureur contre les gens de l’empire.

— Tous escrocs ! s’écrie-t-il ; tous voleurs ! Voyez plutôt : n’avaient-ils pas donné à mon pauvre Jean une médaille en cuivre au lieu d’une médaille en or ?