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CHAPITRE IX

Marc Fournier. — Grandeur et décadence. — Les cinq pots de chambre de M. d’Ennery.

L’existence de Marc Fournier vaut la peine d’être racontée dans quelques-uns de ses détails. Elle a eu ses hauts et ses bas. Elle porte surtout sa marque parisienne. Je suis aussi bien placé que personne pour la raconter, car j’ai été un des amis de Marc Fournier — ami intermittent, c’est vrai. Je l’ai vu arriver, je l’ai vu s’en aller. Entre ces deux points, beaucoup de bruit, d’argent, de travail, de désordre, de plaisir.

J’ai connu Marc Fournier pour la première fois en 1846.

Tel il m’apparut alors, tel il est continuellement resté à mes yeux. Un masque nerveux, blême, une bouche contractée, des yeux inquiets, un Genevois qui a jeté le mont Blanc aux orties, la parole saccadée, quelqu’un qui se sent quelque chose à dire. Il faisait de la critique littéraire, et il la faisait bien ; cela avait un accent âpre, un ton pittoresque, en dehors du convenu,