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sans manquer de race cependant. Ce jeune homme, — il avait vingt-sept ou vingt-huit ans, — avait dû dévorer beaucoup de volumes, dévorer plutôt que lire. Mais il était d’aplomb, et prêt à toute besogne.

Il le fit bien voir en allant rédiger au feuilleton de la Presse, qui était le premier endroit littéraire de l’époque, des Historiettes parisiennes hebdomadaires qui purent soutenir pendant quelques mois sans désavantage le voisinage des Courriers de Paris, du vicomte de Launay. J’ai l’air de tomber de la lune en racontant ces choses d’un autre âge ; tout est révélation au bout de trente ans. Mais j’en ai pris mon parti.

Peu de temps après, je retrouve mon Marc Fournier à la Comédie-Française, où il fait jouer, en collaboration avec M. Eugène de Mirecourt (écoutez bien ceci, jeunes gens !), un drame en cinq actes, intitulé Madame de Tencin. Il y avait d’assez fortes situations dans ce drame où Beauvallet jouait le rôle du chevalier Destouches. Trait curieux à noter : chacun des deux auteurs avait, à tour de rôle, son nom en premier sur l’affiche : aujourd’hui Marc Fournier, demain Eugène de Mirecourt.

La révolution de 1848 troubla Marc Fournier au point de lui faire fonder un petit journal satirique qui était imprimé sur papier rose et qui est devenu excessivement rare. Il le rédigeait à lui tout seul ; il avait loué sur le boulevard une boutique pour la vente, que dirigeait son beau-père, — car Marc Fournier avait trouvé le temps de se marier : il avait épousé, tout à fait par inclination, une jeune et jolie actrice, mademoiselle Delphine Baron, sœur de M. Alfred Baron, acteur lui-même dans les théâtres de drame. Trop de Baron, et pas assez de baronies !