Page:Monselet - Portraits après décès, 1866.djvu/168

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connaître mon œuvre, & si le héros est laid, & si l’héroïne chante bien, si cela est sérieux, si cela est comique. Il serait temps de commencer. Mais je ne vois point arriver d’acteurs. »

Le poëte se dépite pendant quelque temps ; enfin, il aperçoit un homme qui escalade le mur de l’hospice & saute dans la cour.

Le poëte. — N’en doutez plus, la scène s’ouvre, C’est le héros du poëme. Allons, la musique ! ferme, tenez bon, soufflez fort.

Pascariel. — Ouf ! peste soit des gens qui m’ont valu ce saut ! Je cours après mon maître comme il court après la raison, & je perdrai mes jambes comme il a perdu son esprit. Je vais m’informer à ces gens que voilà. — Au poëte : Monsieur, je cherche ici mon maître.

Le poëte. — Je le sais, vous entrez par la gauche du théâtre ; c’est fort bien, je l’avais pensé ainsi. Mais que m’allez-vous dire à cette heure ? Qui vous envoie ? Qui vous attriste ou vous égaye ? Êtes-vous le messager funèbre de la fatalité où le héraut bouffon d’une trame burlesque ? Venez-vous nouer une action tragique ou n’êtes-vous qu’un valet de comédie ? Allez-vous rire ou pleurer, donner des coups de poignard ou recevoir des coups de bâton ?

Pascariel. — Mon ami, vous tenez vous-même sur la nuque un assez joli coup de marteau, & je donnais dans une fière bourde. Je ne suis point un valet de comédie, entendez-vous, & si je vous donne à pleurer, je jure en tout cas que vous me faites rire.