Page:Monselet - Portraits après décès, 1866.djvu/169

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Le poëte. — Parlez plus gravement, & exposez-moi votre conte.

Pascariel. — Je ne demande pas mieux, soyez donc raisonnable.

Le poëte. — Soyez vous-même plus réservé ; le ton doux, la voix claire, le geste mesuré, allez.

Pascariel. — Eh bien ! oui, soit, je veux bien.

Le poëte. — Vous entrez par là ?

Pascariel. — Sans doute, j’entre par là, & je vais vous dire pourquoi. Mon maître a perdu ces jours-ci sa raison au jeu. J’entends qu’il a perdu sa raison, parce qu’il a perdu son argent. L’esprit lui a tourné.

Le poëte. — C’est grand dommage, & vous m’intéressez au dernier point. Continuez.

Pascariel. — On a conduit mon maître dans cette maison. Sa famille est désolée. J’apporte ici une lettre de son oncle, pour qu’on ait à le bien soigner. Or, je voulais le voir par la même occasion, car je l’aime tendrement ; on a eu la barbarie de s’y opposer ; les guichetiers m’ont barré le passage. Heureusement, je suis garçon avisé autant que fidèle, j’ai du cœur & de l’esprit : je vous ai planté une grande échelle au pied de ce mur, & me voici en deux sauts.

Le poëte. — À merveille ! L’histoire paraît vraisemblable & s’expose naturellement. Tout me fait présumer un dénoûment heureux.

Pascariel. — Indiquez-moi d’abord où je trouverai mon maître, si vous le connaissez. C’est un grand brun, bien fait, l’œil bleu, le nez de travers & une verrue sur la joue.