Page:Monselet - Portraits après décès, 1866.djvu/181

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donc la liberté de m’asphyxier sous la tonnelle de votre jardin. Réjouissez-vous : à trois heures très-précises votre polisson de fils aura cessé de vivre. »

On va au jardin, où on le trouve à demi renversé dans une posture vaporeuse. — Quelle tête volcanique s’écrie le père ; & il court après un docteur, laissant Joséphin en tête-à-tête avec Canélia, sa cousine.

Canélia. — Pauvre cousin ! Tiens, il est gentil comme cela ; on dirait qu’il dort. Si je lui faisais respirer des sels ? (Elle va chercher un flacon.)

Joséphin, à part. — Qu’il est doux de voir ainsi planer au-dessus de soi un ange à la voix de femme, une blanche vision ! Au fait, cette enfant-là n’est pas si laide qu’elle en a l’air ; dans mon ardeur de fuir l’auteur de mes jours, je ne l’avais pas remarquée. Et puis, je lui ai fait un certain effet, — je le crois bien ! — un beau front pâle, — de longs cheveux épars, — jeune poëte mourant !

Canélia, revenant. — Tenez, beau cousin, respirez.

Joséphin, feignant l’égarement. — Euh ! eh ! ah !… la muse passe avec une étoile au front ; elle pose ses pieds nus sur des nuages d’or. Canélia !

Canélia. — Il m’appelle ? Oh ! pauvre jeune homme !

Joséphin. — Canélia ! c’est toi que j’ai révée, c’est toi qui passes dans ma sombre nuit.

Canélia. — Il pense à moi. Joséphin !

Joséphin. — Laisse tes beaux cheveux pleuvoir