Page:Monselet - Portraits après décès, 1866.djvu/33

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se promenait de long en large dans sa Comédie humaine, causant avec tous les personnages et les précipitant à la traverse de nouvelles intrigues, dotant Rastignac de plusieurs millions, procurant un amant à madame de Maufrigneuse, rêvant une évasion pour Vautrin, couronnant de fleurs le grand poëte Canalis, se vengeant du critique Blondel ou tuant le pauvre et joli petit diable d’Angoulême, Lucien de Rubempré.

Au milieu de tous ces gens avec lesquels il était loin d’être aussi familier, Lassailly sentit qu’il allait devenir fou.

Aussi, le cinquième jour, demanda-t-il un congé à M. de Balzac ; mais M. de Balzac le remit à huitaine.

Lassailly patienta encore ; le café lui rongeait les entrailles ; il n’y voyait déjà plus.

Enfin, la semaine s’écoula. Mais la besogne n’était pas terminée : il manquait un demi-volume. M. de Balzac s’emporta, fit la sourde oreille et alla fermer à double tour la porte de la maison. Puis, on apporta du café, — et les deux plumes recommencèrent à grincer sur le papier…

La nuit suivante, par un beau clair de lune, un homme pâle et décharné comme un spectre, les vêtements en désordre, sans chapeau, escaladait le mur du jardin, avec tous les signes du plus