Page:Monselet - Portraits après décès, 1866.djvu/4

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penser qu’une semblable époque, — une époque de vingt ans, — ne méritait pas la raillerie & le dédain avec lesquels la plupart de nos critiques ont l’habitude de la saluer.

Il en est bien peu de ceux-là qui n’aient à se reprocher un bon mot sur M. Jouy, — une épigramme sur M. Jay, — une plaisanterie sur M. Arnault. On ferait un volume d’un tel recueil, & ce recueil pourrait être intitulé sans inconvénient la Cravate blanche littéraire.

Laissons dire. Celui de qui je veux parler aujourd’hui valait bien les trois quarts de nos écrivains d’à présent, je vous l’atteste. Ses vaudevilles étaient tout aussi spirituels que les nôtres, ses tragédies tout aussi froides, ses livrets tout aussi ridicules. Seulement c’était un autre ridicule, une autre froideur & un autre esprit. La pensée & le style ont leurs modes, comme on sait, & ces modes ont leur Longchamps. La phrase se taille comme un habit, tantôt courte & tantôt longue, hier en veste & demain en redingote. La littérature d’alors portait un carrick, celle d’aujourd’hui porte un paletot.

Ne nous moquons pas du carrick de M. de Jouy. Le carrick est un bon & honnête vêtement, très-ample & très-chaud. Et personne mieux que M. de Jouy ne savait porter le carrick. C’était un homme charmant en société,