Page:Monselet - Portraits après décès, 1866.djvu/5

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un oracle de goût, un modèle de galanterie, l’homme de son style en un mot. Sa plume avait des précautions inimaginables. Je dis précautions & non délicatesses, parce que la délicatesse même était dangereuse dans ce temps de censure irritée, ce qui rendait le métier d’écrivain fort difficile. Au régime des suspects politiques avait succédé le régime des suspects littéraires. On arrêtait, pour un hémistiche, les tragédies de Lemercier & les comédies d’Étienne. M. de Jouy fut à peu près le seul homme à succès de l’Empire. Il est vrai que l’empereur ne l’a jamais regardé comme un idéologue.

Je compare M. de Jouy à Marmontel, — le Zémire & Azor de la littérature.

Donnez un habit pailleté à M. de Jouy, & vous aurez Marmontel. Jetez un carrick sur les épaules de Marmontel, & vous verrez M. de Jouy. C’est absolument la même façon de dire, de voir, de sentir. C’est le même bonheur dans le même talent. Je vais plus loin, ce sont les mêmes ouvrages. — Comme Marmontel, M. de Jouy a fait des tragédies, des opéras & des romans. C’est la même plume qui a écrit le Zirphile de l’un & la Guirlande de l’autre ; c’est la même pensée qui a dicté Fernand Cortez & les Incas. Marmontel a fait les Contes moraux, M. de Jouy a fait l’Ermite de la Chaussée-d’Antin.