– Mon père était un ingénieur de grand mérite et il avait une usine importante à Alfortville. »
Le faux Paul Harmant était pâle comme un spectre.
« Comment vous appelez-vous ? demanda-t-il.
– Lucien Labroue, répondit le jeune homme.
– Lucien Labroue… répéta le millionnaire en sentant un frisson passer dans ses cheveux.
– Oui, monsieur… Vous avez connu mon père ? »
Cette question, au lieu de démonter complètement Jacques Garaud, lui rendit au contraire tout son sang-froid.
« Oui, dit-il résolument, j’ai connu votre père… j’ai été en relations d’affaires et d’amitié avec lui… Vous devez comprendre alors mon émotion, en entendant parler à l’improviste d’un homme que j’aimais, et dont j’ai appris avec douleur, aux États-Unis, la fin tragique.
– Ah ! vous avez su comment était mort mon pauvre père !
– Oui, monsieur… assassiné dans son usine en feu !
– Assassiné, oui, monsieur… répliqua Lucien, assassiné dans son usine incendiée par le meurtrier…
– Si mes souvenirs sont exacts, dit Jacques avec un absolu sang-froid, le meurtrier fut… la gardienne de l’usine.
– Les juges ont cru avoir la preuve, puisqu’ils ont condamné Jeanne Fortier… Mais je ne le crois pas.
– Vous pensez que la femme dont vous venez de prononcer le nom était innocente ?
– Oui, monsieur.
– Mais il semble me souvenir que les charges amoncelées contre cette femme démontraient sa culpabilité.
– Un autre avait intérêt à la mort de mon père.
– Un autre ? répéta le faux Paul Harmant en se raidissant contre la terreur grandissante. Qui donc ?
– Un contremaître de l’usine, un ambitieux !…
– Comment s’appelait ce contremaître ?
– Jacques Garaud… Oui… je me souviens de ce nom…
– Mais cet homme, on le disait du moins, avait péri dans l’incendie, victime de son dévouement.